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Le projet: méthodologie

Le projet entend étudier les transformations d'Ostie à travers une méthodologie innovante, caractérisée par une combinaison d'archéologie, d'économie et d'urbanisme, considérant à la fois le tissu architectural et urbain de la ville et ses structures socio-économiques, afin d'appréhender la ville comme une relation complexe entre l'espace et sa population. Les trois disciplines sont donc intégrées en synergie, s'échangeant les informations nécessaires à l'avancement de la recherche, selon une logique de fertilisation croisée.

L'approche archéologique entend adopter une perspective multi-scalaire, en explorant différents aspects des transformations architecturales et urbanistiques en considérant le micro-niveau des bâtiments individuels ainsi que le niveau macro-urbain. Le micro-niveau, particulièrement important pour fournir des informations détaillées sur la complexité multi-strates d'Ostie, est représenté par la parcelle IV, VI, 1. Cette parcelle a été choisie pour l'importance et la richesse de ses témoignages, car elle offre un vue complète des transformations urbaines d'Ostie du Ier s. av. J.-C. au IVe s. ap. J.-C., avec une réalité caractérisée par la succession de différents bâtiments : une riche maison à atrium (la Domus del Portico di Tufo, la plus grande maison trouvée à Ostie jusqu'à présent), un bâtiment commercial (le Caseggiato a Botteghe) et une structure à vocation artisanale de l'Antiquité tardive. La parcelle a subi des recherches archéologiques limitées dans le passé et de vastes zones sont complètement intactes et n'ont pas été fouillées. Le caractère exceptionnel et le grand potentiel de la parcelle IV, VI, 1 ont été confirmés par deux campagnes de fouilles, réalisée en 2019 et 2021 sous la direction de M. Cavalieri, J. Richard, M. Marano et P. Tomassini, avec la collaboration et le soutien du Parco archeologico di Ostia antica. Le niveau macro-urbain, quant à lui, abordera des problématiques plus générales qui jetteront un éclairage nouveau sur les causes et les modalités des transformations urbaines qui ont affecté la ville au cours des siècles.

D'un point de vue méthodologique, la recherche archéologique traditionnelle est mise en œuvre avec les techniques les plus avancées de l'archéologie moderne pour optimiser la production scientifique, en intégrant :

  • Fouilles stratigraphiques : fouille archéologique complète et précise de la parcelle IV, VI, 1 ; analyse géomorphologique du sol ; étude géophysique des zones non fouillées de la parcelle ; étude du matériel archéologique.

  • Archéologie du bâti : étude détaillée des techniques de construction et des matières premières ; cela permet (I) d'analyser la stratigraphie verticale afin de donner une chronologie relative des phases de construction et de comprendre les causes des transformations du bâtiment, (II) de comprendre les processus constructifs (organisation des chantiers, quantification des coûts, effectifs ) et (III) de reconstituer l'apparence et le fonctionnement d'un bâtiment.

  • Archéométrie : analyses pétrographiques de mortiers de construction ; elles permettent de caractériser les mortiers, de retrouver des traits communs ou particuliers qui permettent d'identifier le travail d'un groupe de travail, les sources d'approvisionnement et la chronologie des techniques de construction

  • Archéologie numérique : utilisation de la documentation 3D et restitution virtuelle : (I) l'infographie, la photogrammétrie et les relevés par laser-scanner et drone permettront d'avoir une documentation complète et précise des structures architecturales étudiées ; (II) la modélisation 3D sera utilisée pour effectuer des reconstitutions numériques de l'aspect original des structures ; outre une finalité didactique indéniable et la diffusion des résultats, les reconstitutions se veulent un outil scientifique pour analyser différents aspects du fonctionnement des bâtiments, comme le système d'éclairage, la toiture et la gestion de l'eau.

  • Archéologie spatiale : analyse de la structuration et de l'organisation de l'espace, à l'échelle d'un seul bâtiment mais aussi sur l'intégration des bâtiments dans le tissu urbain général. Cela permet de travailler sur la fonction et le statut d'un bâtiment (dimensions, nombre et répartition des pièces) mais aussi sur l'identification d'éventuelles consciences de zonage et l'urbanisme.

L'approche économique part de la considération que l'archéologie nous offre une opportunité exceptionnelle de suivre une société préindustrielle et prétendument malthusienne sur plusieurs siècles. Sur cette base, nous envisageons de décrire et de rationaliser l'interaction dynamique entre le développement économique et les transformations socio-démographiques subies par Ostie. Pour ce faire, les économistes collaborent avec les archéologues et les urbanistes pour (I) construire un ensemble de données unique et à grande échelle rassemblant des données sur l'évolution des niveaux de vie, la composition de la population ostienne par statut socio-économique, et la structure et l'organisation de l'espace urbain. Ce dataset, dont la dimension temporelle représente une innovation majeure par rapport aux données existantes, nous permettra (II) d'établir un ensemble de faits stylisés. En sciences sociales, un « fait stylisé » renvoie à des observations empiriques (en l'occurrence l'interprétation archéologique et autres données documentées basées sur des études historiques, épigraphiques et ostéologiques) utilisées comme point de départ pour la construction de théories économiques. Nous tenterons d'évaluer si le développement de l'économie ostienne a été contraint par des mécanismes malthusiens, ou a connu une période de croissance économique soutenue. Nous allons ensuite (III) construire un cadre théorique pour rationaliser les faits stylisés. Nous mettrons en place un modèle à générations imbriquées avec fécondité endogène (dans la lignée de la Unified Growth Theory), qui introduira en plus le rôle des inégalités et de la croissance urbaine. Le modèle résultant est en principe applicable à plusieurs sociétés préindustrielles, mais il se prêtera à un exercice quantitatif visant à évaluer son adéquation avec les données ostiennes. Enfin, (4) nous envisageons d'étudier le rôle des institutions corporatives (guildes) comme vecteur de développement préindustriel. Cette possibilité sera explorée dans le cadre d'un modèle théorique fondé sur les preuves archéologiques disponibles. Nous modéliserons les corporations comme des institutions endogènes favorisant la spécialisation, la mobilité sociale et les externalités de réseau – autant de facteurs qui auraient pu rendre les contraintes malthusiennes moins contraignantes.

L'approche urbanistique entend enfin considérer les vestiges antiques d'Ostie à travers le prisme de l'architecture et de l'urbanisme contemporains, en abordant : (I) l'étude de l'impact produit par l'architecture ostienne antique dans la conception de l'architecture et de l'urbanisme contemporains ; (II) l'influence réciproque entre l'activité archéologique sur les vestiges antiques et la production architecturale du XXe siècle, qui peut être perçue à travers l'analyse des reconstructions et restaurations contemporaines de structures anciennes, qui peuvent avoir été guidées non seulement par les méthodes et les principes de l'archéologie, mais aussi par une vision générale de l'architecture et de l'urbanisme contemporains ; (III) la vérification de la manière dont les découvertes faites dans l'histoire de l'architecture et de l'urbanisme du XXe siècle, ainsi que l'étude archéologique et économique, peuvent contribuer à repenser la ville contemporaine. Les méthodes utilisées combinent celles de l'histoire de l'architecture, avec une étude approfondie d'un dossier d'archives et d'urbanisme très riche, avec la recherche de solutions efficaces pour repenser les villes modernes, basées sur l'expérience du passé.

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